1920-1930 – Le bijou Art Déco

L’ Art Déco, un style résolument moderne

Bracelet lanière de Cartier
Bracelet lanière de Cartier. Style « tutti frutti », émeraudes, rubis et saphirs sculptés, diamants montés sur platine, 1929. (Archives de l’auteure).

L’Art déco, qui tire son nom de l’Exposition internationale des Arts décoratifs tenue à Paris, en 1925, est un style résolument moderne. Son apogée se situe entre les deux guerres mondiales.
Ce mouvement se nourrit à plusieurs sources : le cubisme avec ses formes géométriques, dont Georges Braque et Pablo Picasso sont les plus célèbres représentants; les ballets russes, et leurs costumes aux couleurs vives, installés Paris après la révolution bolchevique; l’art indien avec ses pierres sculptées et colorées; l’art égyptien popularisé à la suite de la découverte du tombeau de Toutankhamon, en 1922; l’art africain qui séduit avec ses bracelets en ébène et en ivoire, ses panthères et ses éléphants, et même l’art oriental avec ses pagodes.

Les années 1920 et 1930 en Europe, c’est l’époque des années folles. Le jazz et le charleston venus d’Amérique voisinent le Moulin-Rouge et le design haute couture de Coco Chanel, Poiret et bien d’autres. De véritables légendes vivantes se côtoient : Marlène Dietrich, Joséphine Baker. Mistinguett. Rudolph Valentino, Maurice Chevalier, etc.

Aux États-Unis, c’est le temps de la prohibition, d’Al Capone, du Ku Klux Klan et du krach de Wall Street, qui en 1929, bouleverse tout l’occident. La grande dépression voit les marchés financiers et les prix des biens et des services chuter de façon dramatique. Les soupes populaires se multiplient…

La radio, souvent fabriquée en bakélite, offre alors une bienheureuse évasion. Le cinéma gagne en popularité. Un programme double avec les actualités filmées coûte 10 cents. Greta Garbo, Jean Harlow et Mae West symbolisent la quintessence de la féminité séductrice tandis que Clark Gable, Bing Crosby, Fred Astaire font frémir le cœur de bien des femmes!

La joaillerie atteint les sommets de l’élégance

C’est dans la joaillerie que l’Art déco atteint les sommets de l’élégance. Les grands noms demeurent encore aujourd’hui familiers : Cartier, Boucheron, Lalique, Van Cleef & Arpels. Ces artistes satisfont à la demande des nouveaux riches, ces industriels de la reconstruction de l’Europe et du développement de l’Amérique. Plusieurs grands joailliers de Place Vendôme ouvrent alors leur boutique à New York.

Clip feuilles de houx, rubis et diamants sur platine. Premier sertissage invisible par Van Cleef & Arpels, 1936. Offert à Wallis Simpson par Édouard VIII. (Archives de l’auteure)

Les femmes désirent affirmer leur indépendance

Après avoir contribué à l’effort de guerre, les femmes désirent affirmer leur indépendance. Le port du pantalon (introduit par Chanel), la mode des cheveux courts à la garçonne, le privilège de fumer en public et l’influence du mouvement des suffragettes le prouvent. Elizabeth Arden et Helena Rubenstein tirent profit du désir de paraître belle, sensuelle et jeune. Dans les années 1930, les femmes se lassent du look masculin. Influencées par les actrices américaines, elles arborent à nouveau les chapeaux mous et les cheveux longs.

Les robes sont finement drapées aux hanches et généreusement décolletées, sans manches, découvrant largement le cou et les poignets qui ne demandent alors qu’à s’orner de bijoux. Les boucles d’oreilles longues (pendants d’oreilles) sont du dernier cri! Les sautoirs en perles ou en pierres dures (portés jusqu’à la taille pour le charleston et vers l’arrière pour les toilettes échancrées dans le dos), les pendentifs aux couleurs vives et aux formes géométriques, les épaulettes (broches pendantes que l’on pique sur une épaule), les bandeaux et colliers transformables en bracelets, embellissent les silhouettes. La transformation d’un type de bijou à un autre était d’ailleurs fort à la mode dans l’Art déco.

La montre-bracelet, d’abord portée par les officiers, est de plus en plus en vogue. Les femmes exhibent des montres bijoux, en fait des bracelets décorés de montres parfois joliment dissimulées. Lors d’une soirée, l’homme étant responsable du moment du retour, la dame se devait de lire l’heure discrètement!

Le bijou Art Déco, riche en innovation

Pendants d’oreilles, influence chinoise, jade, émeraudes et diamants sur platine, vers 1925. (Archives de l’auteure).

L’innovation la plus importante dans le domaine du bijou a été le clip, aussi appelé « broche à pinces » ou « duette ». Par paire, les clips ornementent chaque côté d’une robe ou le dessus des

souliers. Le clip est porté seul sur un chapeau, le revers d’une veste, ou appliqué sur un sac ou même un bracelet. Assemblées par une charnière spéciale, les deux parties forment une broche unique plus imposante.
Soulignons l’innovation du serti invisible par Van Cleef & Arpels dans les années 1930. On utilise des pierres minutieusement calibrées qui sont juxtaposées les unes contre les autres dans un filet d’or invisible vu de face. Le travail s’effectue entièrement sur l’arrière du bijou.

Dans l’Art Déco, on apprécie les métaux blancs : platine, or blanc, argent, chrome et acier. Sur fond de diamants et même de strass les pierres souvent sculptées (fruits, scarabées. etc.) et de couleurs contrastantes révèlent des effets étonnants : rubis, émeraude, saphir, onyx, la. Pis-lazuli, agate, corail, jade, ivoire. Les pierres synthétiques, le verre et la bakélite sont également à l’honneur.

La fameuse bakélite est un matériau inventé par le Dr Leo Baekeland en 1909, par accident, celui-ci crée une résine pouvant être moulée en bijoux. Ces derniers, de couleur noire, brune, rouge, orangée et jaune sont aujourd’hui recherchés, car ils symbolisent toute la nostalgie d’une époque.

Georges Barbier : illustration pour Falbalas et Fanfreluches parue dans l’Almanach des Modes, 1924. (Archives de l’auteure).

Les objets populaires, véritables bijoux sertis de pierres et fabriqués par les joailliers avec des métaux précieux comme l’or ou l’argent, sont : le poudrier, la minaudière, le fume-cigarette, les coffrets à cigarettes (fumer en public fait « chic »; être chic, c’est le compliment ultime!), les petites boîtes et les pochettes de soirée pour les mondanités des nouveaux riches. De nos jours, on retrouve ces magnifiques créations dans les musées et les grandes collections.

Dès les années 1920, Coco Chanel et Elsa Schiaparelli proposent des bijoux de fantaisie pour accompagner leurs collections haute couture. Ce type de bijou fait de métal blanc, de pierres du Rhin (verre) et de plastique ouvre un nouveau créneau. Les motifs s’inspirent des bijoux précieux, de thèmes humoristiques ou de la vitesse que l’on vénère (automobile, lévrier, gazelle).
Dans les années 1930, on s’entiche de l’alliance platine-diamants pour son « look tout blanc ». On aime également les bijoux massifs, audacieux et géométriques sans ajouts décoratifs.

À la fin de cette décennie les États-Unis émergent de la grande dépression, la guerre gronde en Europe et la France n’est plus le centre du monde en joaillerie. Les têtes couronnées et la noblesse européenne perdent de l’influence dans un univers qui change. La Seconde Guerre mondiale referme à tout jamais le chapitre de l’importance des royautés dans l’histoire de la bijouterie. L’ère des stars de Hollywood s’impose!

Au Québec, Henry Birks et fils maintient son statut de leader et prend alors l’une des décisions les plus opportunes de son histoire : la création de la désormais célèbre boîte bleue, ornée des deux B inversés et du lion des armoiries familiales. En parallèle, Dupuis et frères à Montréal emploie 1 500 personnes tandis que les magasins Paquet et Laliberté habillent les belles dames de Québec.