La Boîte à Bijoux (Trouvailles et trésors)

Entrevue avec Jocelyne Rouleau, experte en bijoux anciens et contemporains

Gemmologiste-diamantaire et spécialiste dans le bijou de succession, Jocelyne Rouleau est propriétaire de La Boîte à Bijoux, une entreprise québécoise.

Jocelyne Rouleau nous raconte l’histoire des bijoux et son métier

Un bijou de succession, c’est un bijou qui a déjà eu un propriétaire. Ça peut être en 1840 comme en 1995. C’est un bijou dont personne ne veut dans sa famille, donc on lui trouve, ce que j’appelle des fois à la blague, une famille d’accueil qui va savoir apprécier le bijou et lui donner un second souffle, donc une deuxième vie.

Jocelyne Rouleau, gemmologiste diamantaire, diplômée des associations britannique et canadienne de gemmologie, aime passionnément les bijoux qui ont une histoire. Sa boutique de la rue Maguire à Sillery est en quelque sorte un lieu de passage pour ces bijoux anciens autrement condamnés à l’oubli.

C’est la mission que s’est donnée la Boîte à Bijoux, de faire vivre et revivre les bijoux au Québec.
Quand quelqu’un se présente à la Boîte à Bijoux, avec une idée ferme de vendre son bijou, on doit établir quelle est la valeur marchande de ce bijou-là, dans le marché ici au Québec et on doit signer une convention d’entente avec la personne comme quoi il le laisse en consignation pendant normalement six mois. Si le bijou a besoin d’être restauré, on fait affaire avec une équipe de restaurateurs qui voit à le conserver le plus près possible de l’état d’origine. Dans la restauration de bijoux, c’est très important de faire affaire avec des experts, parce qu’un bijou mal restauré peut perdre facilement jusqu’à 50% de sa valeur.
La grande majorité de nos bijoux viennent de personnes âgées qui sont en pleine forme. Quand on dit bijou de succession, c’est une traduction de « estate jewelery » mais en réalité, les gens sont vivants et veulent, en toute connaissance de cause, régler cette partie-là de leur succession.

Mais ce n’est pas toujours aussi simple.

Le cas le plus typique, c’est parfois une épouse qui veut effacer tout souvenir de son ex-mari et qui m’amène un petit sac en me disant : « madame Rouleau, je veux me défaire de ces bijoux-là, car pour moi c’est maintenant un mauvais souvenir ». J’essaie toujours de les raisonner, en leur disant, surtout si vous avez des filles, n’oubliez pas que le bijou vous a été offert quand la relation était bonne, donc il y avait de l’amour derrière ça. Pensez toujours à garder quelques bijoux pour vos petites filles, les meilleurs habituellement, qui un jour iront à vos arrières petites filles.

Le bijou fait partie, vraiment, du patrimoine matériel d’une famille.

Le bijou de succession n’est pas un bijou anonyme. Il a une histoire qu’il est important de connaître et de conserver.

Quand on décide d’acquérir un bijou de succession, ça peut être intéressant de connaître… toujours la valeur intrinsèque, alors la valeur de l’or, des pierres, à quelle époque il appartient, est-ce que c’est un bijou original ou une reproduction de quelque chose encore plus ancien. Mais au-delà de ça, il y a toujours la valeur sentimentale, c’est-à-dire l’histoire. Je pense que c’est important d’écrire ça. Il m’arrive effectivement qu’on me demande d’écrire ça, et ça fait partie dorénavant de l’histoire du bijou. On lui fait faire un autre siècle, mais on sait exactement quel est son passé. Et ça, je trouve que c’est un plus à un bijou.
Ce bijou-là est d’origine italienne, c’est un bijou qui date d’à peu près de 1870. Il est en argent 800, parce qu’en Italie, l’argent n’était pas 925 comme en Angleterre mais plutôt 800. Ce sont des morceaux de verre, tout simplement, et les camés sont de véritables camés faits à la main parce qu’à cette époque-là on n’avait pas les lasers pour faire ça de façon très mécanique. Alors c’est un bijou qui n’a pas une valeur financière énorme mais qui a une valeur historique intéressante. C’est ce qu’on appelle une demi-parure. Il y avait probablement à l’origine les boucles d’oreilles, mais souvent les boucles d’oreilles on en perd une, donc on se retrouve avec le collier et le bracelet dans le cas présent. Le bijou a été reçu, c’est un parrain qui est allé en Italie en bateau dans les années 40, et qui a rapporté de son voyage ce bijou-là pour sa nièce.

Mais la boîte à bijoux ne contient pas que de l’or et des diamants. On y retrouve aussi ce que nos mères appelaient…

Des bijoux de fantaisie. Nos mères, nos grands-mères, tout le monde a porté des bijoux, surtout après la deuxième guerre mondiale. On sait qu’avec le baby-boom les banlieues se développaient et les femmes voulaient être belles à bon compte. Des fois, il y avait le collier, la broche, alors on en avait de toutes les couleurs pour porter avec les robes de toutes les couleurs. Dans le jaune, le vert, le bleu et on sait que aujourd’hui ces bijoux-là sont collectionnés. Les gens qui s’occupent de régler des successions nous arrivent parfois avec, vraiment, des boîtes à souliers remplies de bijoux où il y a le meilleur et le pire. On a de belles surprises parce qu’à travers les bijoux de fantaisie, pour lesquels les gens se disent que c’est de la pacotille, il y a des fois où, encore dernièrement, on en a trouvé pour au-delà de 2000 dollars. Alors je dirais aux auditeurs, faites attention, ne détruisez pas trop vite vos bijoux, il y a là-dedans des choses fort intéressantes à conserver dans le patrimoine de votre famille, s’il y a des gens intéressés, sinon on trouvera une autre façon que de les détruire.