Sur le long chemin de la connaissance, le diamant accompagne l’histoire des sciences en même temps que celle des hommes. Un manuscrit hindou du IVe siècle avant Jésus-Christ mentionne les caractéristiques d’une gemme dont on peut affirmer qu’elles concernent bien le diamant. Au 1er siècle de notre ère, Pline l’Ancien le nomme adamas, ce qui veut dire indomptable, indestructible. Formé de carbone qui se cristallise avec des particularités appelées inclusions, le diamant est parfois incolore, parfois coloré. L’unité de poids est le carat, équivalent à 0,20 gramme. Une fois taillé, il brille et fascine depuis des siècles.
L’Inde est le premier pays à produire commercialement le diamant. Les documents en situent les débuts vers 1512. La production se concentre d’abord dans les environs d’un fort nommé
Golconde, dont le nom est étendu ensuite à toute la région.
Un diamant demeure célèbre : le Koh-i Nor, la montagne de lumière. La version officielle anglaise signale que le président de la Compagnie des Indes orientales l’a offert à la reine Victoria, en 1851. Les Indiens affirment encore de nos jours qu’on les aurait contraints à ce geste… Ce diamant pèse aujourd’hui 109 carats et est serti dans la couronne de la défunte reine Élizabeth, épouse de George VI et mère d’Élizabeth II. Actuellement, on peut le voir à la Tour de Londres.
L’Inde a aussi produit un diamant bleu exceptionnel de 110 carats à l’origine : le Hope. Celui-ci a fait partie des joyaux de la couronne de France et a appartenu à Marie-Antoinette. Volé pendant la Révolution française, il a été retaillé à Londres pour ne pas être reconnu, puis racheté par le banquier Henry Philipp Hope d’où lui vient son nom. La maison Cartier l’a possédé, en 1909, et le diamantaire américain Harry Winston l’a finalement acquis pour l’offrir, en 1958, au Musée d’histoire naturelle du Smithsonian Institute, à Washington, où il brille maintenant enfin en sécurité. L’histoire raconte qu’il aurait porté malheur à tous ses propriétaires…
La découverte de diamants au Brésil arrive à point nommé, au moment où la prospection indienne en déclin ne peut plus répondre à la demande occidentale. Cette découverte remonte à 1726 dans une ville de l’État du Minas Gerais baptisée plus tard Diamantina. Un missionnaire qui avait fait ses premières conversions à Golconde, en Inde, aurait reconnu les cailloux brillants restant au fond des tamis des garimpeiros, mineurs pauvres à la recherche d’or.
L’extraction de diamants au Brésil ne fait pas honneur à sa mère patrie, le Portugal. Les concessions des garimpeiros sont annulées par Lisbonne pour être cédées à des corrupteurs et le dur travail minier est effectué par des esclaves noirs.
Tout doit être déclaré. Si un « nègre » ose cacher la découverte d’un diamant, ses pairs –contre récompense – s’empressent de le dénoncer : le fouet ou même la mort s’ensuit… Par contre, s’il trouve un diamant d’un octavo (17,2 carats ou 3,44 grammes), on le décore d’une guirlande de fleurs, on le mène en procession à l’administration qui lui rend sa liberté et on donne une indemnité à son maître.
Jusqu’en 1843, on récolte ainsi 1 354 700 carats, dont au moins 80 belles et grosses pierres « réservées » à la couronne du Portugal. En 1870, après des années de servitude envers le gouvernement portugais, l’esclavage au Brésil est enfin aboli. Aujourd’hui, le pays produit des diamants grâce à de nouveaux gisements dans le nord et aux dépôts alluvionnaires dans le lit des rivières.
En 1866, en Afrique du Sud, une jeune fille modeste s’amuse avec des cailloux. Un voisin en remarque un et offre à la mère de l’acheter. Celle-ci le lui donne… Ce caillou se révèle finalement un diamant de 21,25 carats, truffé d’inclusions, qui une fois taillé père 10,73 carats. Il est baptisé Eurêka; propriété du gouvernement d’Afrique du Sud, il est gardé dans un musée en tant que valeur historique.
Trois ans plus tard, après quelques trouvailles importantes confirmant le potentiel de la région, des milliers de prospecteurs accourent du continent africain mais aussi d’Europe, du Canada et même de l’Inde. Une ville concentre l’activité marchande : Hopetown.
Le continent africain révèlera un sol riche en diamants. Ainsi en est-il du Botswana, de la République démocratique du Congo, de la Namibie, etc., qui exploiteront amplement leurs richesses.
Au tournant du siècle dernier, en 1905, on découvre en Afrique du Sud le Cullinan, diamant très pur de 3 106 carats, que le gouvernement du Transvaal offre en cadeau d’anniversaire au roi d’Angleterre, Édouard VII, en témoignage de loyauté et d’attachement. On tire du Cullinan neuf pierres importantes. Le Cullinan I, de taille poire pesant 530 carats, est serti dans le sceptre à la croix du souverain et conservé à la Tour de Londres.
Un homme marque la suite de l’histoire : Cecil Rhodes, un Anglais futé, qui a d’ailleurs donné son nom à la Rhodésie. Conscient que des milliers de prospecteurs et de mineurs apportent d’énormes quantités de diamants et que le marché ne peut tout absorber, il achète, entre 1870 et 1880, toutes les mines des alentours et contrôle la main d’œuvre. Fini les travailleurs autonomes blancs; Rhodes les congédie et engage des Noirs. En 1888, il fonde la De Beers Consolidated Mines Ltd.
Afin de stabiliser les prix et de rassurer les investisseurs (surtout européens), la De Beers ajuste les quantités et les catégories de brut transmises aux centres de taille, tel Anvers en Belgique, tout en continuant d’être l’unique acheteur de la production globale du continent africain.
Puis, sous la direction de Sir Ernest Oppenheimer et ultérieurement de ses descendants Harry et Nicky, une ère de grande prospérité de l’industrie diamantaire suit.
La filiale de la De Beers, la Central Selling Organization (CSO), compte actuellement environ 150 diamantaires agréés, triés sur le volet. Ceux-ci possèdent une réputation sans tache et une imposante solidité financière. C’est la CSO qui fixe la qualité, la quantité et le prix des diamants mis en marché. Ce système de monopole international règle la vente de près de 85% des diamants bruts jusqu’en 1990.
En Russie, la première cheminée diamantifère a été localisée en 1954. La dissolution de l’URSS en États indépendants, en 1991, laisse à la seule Russie une source de diamants de très haute qualité et une industrie diamantaire organisée, de l’extraction jusqu’à la taille. Les Russes ont besoin d’argent rapidement et l’enjeu économique s’avère important. Si officiellement, 50% de la production russe passe par la De Beers, en réalité, le pays contrevient au contrat qui le liait à celle-ci et met en place un circuit en pleine expansion.
En Australie, le filon mère est localisé en 1979 et la production commence dès 1982. La mine Argyle, le plus gros gisement de diamants au monde, produit à elle-seule autour du tiers de la production annuelle mondiale, dont 50% est de qualité gemme. Très mécanisée, cette mine est exploitée à coups de millions de dollars.
En 1996, mauvaise nouvelle pour la De Beers : Argyle annonce qu’elle ne renouvelle pas son contrat, elle veut écouler sa marchandise hors monopole.
Argyle est célèbre pour ses diamants de couleur. À la suite d’une vaste et coûteuse campagne publicitaire, les diamants de différentes teintes de brun (nuancé de jaune ou d’orangé) sont maintenant connus sous l’appellation « champagne » ou « cognac ». La mine produit aussi des diamants jaunes, gris, bleus, roses et même rouges, ces derniers étant les plus rares de tous.
Au Canada, lors de son voyage de 1541-1542, Jacques Cartier confond, vus du fleuve, les cristaux brillants de quartz avec des diamants. De là le nom du « cap Diamant ». L’expression « faux comme diamant au Canada » n’a toutefois plus sa raison d’être!
Dans les années 1970, le géologue Charles Fipke a prospecté dans les Territoires du Nord-Ouest, pour finalement découvrir du diamant au lac de Gras, situé à 200 km au sud du cercle polaire. En 1998, la mine Ekati entre en production. Toutes les pierres sont vendues hors du réseau de la De Beers. En 2004, grâce à Ekati et à d’autres mines, le Canada réussit à se hisser au troisième rang mondial des pays producteurs.
Les conditions climatiques, les revendications des Autochtones et les mesures sévères en faveur de la préservation de l’environnement rendent les exploitations canadiennes extrêmement coûteuses.
L’industrie canadienne de la taille est en plein essor. Les diamants canadiens sont identifiés par des logos (la feuille d’érable, l’ours polaire, etc.) gravés au laser sur leur pourtour appelé rondiste. Un numéro d’enregistrement et un certificat d’authenticité indiquent leur provenance.
Trop souvent dans les dernières années, les diamants ont servi à financer l’achat d’armes dans certains pays africains, dont la Sierra Leone et l’Angola. Pour contrer ce mouvement, 53 pays où se négocient et se transigent les diamants, tels le Canada et les États-Unis, ont signé, en janvier 2003, le protocole de Kimberly qui défend l’achat de diamants d’origines douteuses. Les diamants canadiens ont la réputation d’être « propres » et leur place se confirme sur le marché.
L’univers du diamant connaît actuellement des heures intenses. La vente par le réseau internet, les traitements par blanchiment, par laser ou par remplissage de fractures, les diamants synthétiques de qualité gemme, l’arrivée de la production canadienne, le protocole de Kimberly, la réorganisation de la De Beers vers la distribution directe aux consommateurs, viennent bouleverser des règles de jeu pourtant solidement établies.