La Boîte à Bijoux (Cap sur Québec)

Jocelyne Rouleau, gemmologiste et diamantaire, nous explique le patrimoine des bijoux.


Peut-être avez-vous à la maison un héritage dont vous ne soupçonnez même pas la valeur? C’est pourquoi on a invité aujourd’hui madame Jocelyne Rouleau, qui est gemmologiste et aussi diamantaire pour nous parler de ça, parce qu’on a un héritage de patrimoine au niveau des bijoux.

Tout-à-fait, remarquez qu’on n’a pas le patrimoine comme les Européens, qui collectionnent les bijoux de générations en générations depuis des siècles, mais je vous dirais que de plus en plus, les gens au Québec sont intéressés par le patrimoine, et je trouve ça extrêmement important que les gens considèrent les bijoux au même titre que les meubles anciens, ou que l’architecture, alors ce sont vraiment des témoins d’une époque.

C’est vrai, on ne pense pas à ça, parce que la peinture, jamais on va liquider ou donner une peinture que la famille avait, on se dit qu’on va la garder; une toile, un tableau, ou même un meuble on fait attention à ça, mais les bijoux, même s’il n’a pas une très grande valeur, même si ce n’est pas de l’art, selon vous il y a une valeur patrimoniale.

Définitivement, je vous dirais, juste ce que je porte aujourd’hui, c’est une broche typique des années 50, sûrement que vous avez vu vos mères ou grands-mères en porter, et je trouve important qu’on les conserve pour les générations futures. Alors c’est vraiment le témoin d’une époque en particulier.

Et vous votre spécialité, c’est la pierre, la pierre précieuse, la pierre véritable, et il y a là-dedans toutes sortes d’appellations. Il y a pierre véritable, pierre naturelle, il y a des différences…

Pierre synthétique, effectivement. Je vous dirais que le véritable défi d’une gemmologiste de nos jours, ce n’est pas vraiment de dire qu’est-ce que c’est la pierre rouge ou la pierre bleue, c’est de dire est-ce que c’est naturel, synthétique, est-ce que ça a été traité, par chauffage, par irradiation? Les pierres sont de plus en plus traitées, je vous dirais que dans les pièces anciennes on voit beaucoup moins de pierres qui étaient traitées. La qualité de fabrication de ce qu’on voyait autrefois, je vous dirais qu’en général, elle était plus grande que ce qu’on voit aujourd’hui. Parce qu’aujourd’hui, c’est fait en séries.

Si on retourne dans l’histoire, est-ce qu’il fallait être très bien nanti pour se payer un bijou?

Je vous dirais oui, si vous revenez aux premiers temps de la colonie, ils pensaient d’abord à manger avant d’avoir des bijoux. Mais on peut dire qu’à partir des années 1920, à peu près, ici au Québec on a eu des familles qui avaient les moyens d’avoir des bijoux de qualité. Je me dis que l’important n’est pas la quantité de bijoux qu’on possède, c’est vraiment la qualité. Et de plus en plus, les gens disent : « oui, je vais acheter quelque chose de qualité, alors ma fille, ma petite fille pourront porter ça en souvenir de leur grand-mère. » Parc e qu’aussi surprenant que ça puisse paraître, ce sont beaucoup les femmes qui s’intéressent aux bijoux anciens. Les hommes sont moins portés, alors que les femmes sont très allumées, dès qu’on les informe, tout de suite on sent l’intérêt.

Vous tenez une boutique qui s’appelle la Boîte à Bijoux, et ça ne s’appelle pas la boîte à bijoux pour rien, il y a plein de significations à ça.

Effectivement. Quand je suis venue pour choisir un nom de commerce, je trouvais qu’une boîte à bijoux… Le rôle d’une boîte à bijoux finalement, c’est de protéger les bijoux de la poussière… et c’est de mettre en valeur les bijoux. Je trouvais que c’est exactement ce que je veux faire, protéger les bijoux, mettre en valeur les bijoux. Et dans une boîte à bijoux, on trouve les pièces de la grand-mère, de la marraine, des bijoux de grande valeur, de moins bonne valeur. La boîte à bijoux ça n’a rien à voir avec une bijouterie comme vous en voyez habituellement dans un centre d’achat, il y a des choses de toutes les époques, à partir de 1850 jusqu’à l’année dernière. Mais tous les bijoux qui se retrouvent à la boîte à bijoux ont déjà eu un propriétaire, je ne vends aucun bijou neuf.

Il y a une demande pour ça dans une petite ville comme Québec? Les gens veulent avoir des bijoux « historiques »?

Oui, parce que les gens aiment porter des choses différentes. Les gens ont compris que quand on achète un bijou usagé, même s’il n’est pas très très ancien, par exemple si vous achetez un bijou de 1990, vous allez payer une fraction du prix du neuf. Oui, c’est beaucoup moins cher que de l’acheter neuf. Alors ça veut dire que si dans cinq ans, dix ans vous vouliez le revendre, vous perdriez à peu près pas sur votre bijou. Alors c’est sûr que les gens, quand on parle d’un bijou de cinquante dollars, ce n’est pas grave, mais si on parle d’un tennis bracelet à 5000, 6000, 7000 dollars, si vous l’achetez usagé à moitié prix ou à peu près, c’est intéressant pour les années à venir si on veut.

Les gens, les familles avec un héritage de bijoux vous appellent, parce que vous prenez des bijoux en consignation.

Exactement. Je commence toujours par faire une évaluation des bijoux, je conseille les gens, parce qu’il y a des bijoux qui ont besoin de restauration, il y a des bijoux qui n’ont pas bien passé ce que j’appelle « l’épreuve du temps ». Tous les bijoux ne sont pas… Ce n’est pas parce qu’ils sont vieux qu’ils sont beaux. Ils peuvent être neufs et pas beaux, ça n’a rien à voir. Je conserve à ma boutique une certaine qualité au niveau de la fabrication et des bijoux qui ont un intérêt, qui sont facilement revendables si on veut. Donc la première étape est l’évaluation et ensuite on signe un contrat de consignation et dès que le bijou est vendu, je remets l’argent au propriétaire. Les gens ne savent pas où vendre leurs bijoux usagés.

C’est ça, on les laisse dans un petit coin puis on les liquide sans trop savoir. Vous portez un bel échantillon…

Oui j’ai l’air d’un arbre de Noël!

…un bel échantillonnage de bijoux anciens. Vous portez un collier, il est absolument fabuleux!

Oui merci. Ce bijou est un bijou d’à peu près 1910, les boucles d’oreilles sont de 1890 à peu près, platine et diamant. Ce bijou-là a une histoire. Il a été offert à une jeune fille de 17 ans qui faisait son entrée dans la société, elle était d’origine juive. Elle l’a donné finalement à quelqu’un qui prenait soin d’elle, et la famille me l’a apporté. Chaque bijou a une histoire chez moi.

Vous m’avez prêté cette jolie broche.

Oui qui date de 1880. C’est une broche en or 18 carats d’origine française, avec de petites perles, qui sont des perles fines, parce qu’à l’époque il n’y avait pas de perles de culture.

C’était des perles véritables?

Ce sont des perles naturelles. Le mot véritable, souvent le mot véritable n’est pas bien compris. Quand on dit un rubis véritable, la plupart du temps, 9,9 fois sur 10 c’est un rubis synthétique. Alors est-ce que c’est un vrai rubis? Oui parce qu’il a la composition chimique, les propriétés optiques, physiques d’un vrai. Mais au lieu de croître dans le sol sur des millions d’années, il croît dans un creuset en laboratoire, en quelques mois seulement.

Ça perd un peu de son charme.

Mais c’est un rubis. Et je vous dirais qu’il y a un marché pour tout. Tout le monde n’a pas les moyens d’acheter un rubis naturel de première qualité, alors des fois il y a des compromis que les gens peuvent faire, mais il faut comprendre ce qu’on achète. Et ça je trouve ça important.

C’est vraiment intéressant de vous écouter. La boutique la Boîte à Bijoux, c’est sur la rue Maguire à Sillery, et on vous appelle pour prendre un petit rendez-vous?

Oui, parce que je ne peux pas recevoir deux personnes à la fois et ça me fera plaisir de regarder vos merveilles dans vos boîtes à bijoux!

Et nous on se donne un petit mandat, fouillez un peu à la maison voir s’il n’y aurait pas de bijoux qui viennent de la famille qui ont une valeur. Merci beaucoup!

Ça a été un plaisir.